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Terrorisme

RÉSISTANCES ÉLECTRIQUES, TUBES EN PIREX - 1988

En 1988, je créé une œuvre intitulée TERRORISME dont le parti pris est d’interroger la dualité des mots TERRORISME et RÉSISTANCE.

L’œuvre est conçue comme une enseigne lumineuse. Elle est constituée de résistances électriques logées dans des tubes en Pirex en forme de lettre écrivant le mot TERRORISME.
C’est une enseigne forte qui s’impose dans l’espace dans lequel elle est exposée. Elle dégage une puissance et une chaleur exceptionnelle qui la rend littéralement infréquentable par d’autres œuvres, inabordable par le public tant il est impossible de l’approcher  sans se mettre en danger.

Son exposition, à Toulouse en 1988, impose un cordon de sécurité et se solde systématiquement, chaque jour, par de fortes détériorations ; tubes en verre fendus ou éclatés, rupture des résistances… Rien ne résiste à l’usage de son exposition quotidienne.
Chaque soir, j’étale cet objet controversé sur une table, j’en change les éléments altérés par son exposition, je réactualise le théorème, je bricole l’hypothèse comme une réflexion sans fin.

L’œuvre explore ainsi toute la difficulté d’aborder les sens profonds lorsque sont convoqués simultanément les domaines de la raison et de l’émotion.

Si au regard des évènements absolument dramatiques de ces dernières années le terme de Terrorisme est figé pour longtemps comme étant la pratique barbare de la violence par des individus radicalisés sans autres fins qu’engendrer haine et terreur, son existence ne doit pas pour autant nous empêcher de nous interroger sur son usage comme recours politique et sur son signifiant historique.

Anecdote

En 1994, Philippe Saulle (aujourd’hui directeur de l’École des Beaux-Arts de Sète) me convie à participer à une exposition à l’Espace d’art contemporain de Toulouse – « Un papillon sur la roue ».

Le principe de cette exposition repose sur la présentation au public d’une série d’œuvres ludiques ou interactives permettant aux spectateurs d’interagir avec les œuvres, de se les approprier par l’action et l’usage.
Philippe sollicite ma présence, ou plutôt celle d’une de mes œuvres, pour prendre le contre-pied de l’ensemble des pièces présentées en fin de parcours.
Dans la dernière salle, est exposé « Terrorisme » qui vient rappeler aux visiteurs, avant de quitter l’exposition, que le domaine de l’art n’est pas toujours ludique.

Je propose à Philippe non pas d’exposer « Terrorisme », mais une autre œuvre, ou plus précisément un autre concept d’œuvre que je souhaite réaliser depuis quelques mois et qui me semble en parfaite adéquation avec le sujet.
Il s’agit de proposer au public une série d’une dizaine de « mixeurs » de cuisine, transparents, remplis d’’eau claire, dans lesquels nagerait un poisson rouge. L’idée est de soumettre la tentation d’appuyer sur le bouton à chaque visiteur, avec les conséquence que nous imaginons. Une autre façon d’aborder la responsabilité, de mesurer les conséquences de ses actes et décisions (une autre façon d’aborder l’expérience de Milgram).

Le projet l’intéresse, mais il ne correspond pas tout à fait à l’attendu de Philippe qui souhaite davantage appuyer sur l’impossibilité de l’usage, de l’appropriation fonctionnelle et sur la confrontation physique que la prise de décision et de la responsabilité du geste.

Nous restons sur la présentation de « Terrorisme », qui fera l’objet d’une surveillance et d’un entretien quotidien.

L’histoire continue…

En 2003, l’artiste Marco Evaristti, plasticien danois, a présenté au Musée Trapholt de Kolding (au Danemark), une série de mixeurs contenant chacun un poisson rouge… et lors du vernissage, deux poissons ont été réduits en bouillie.
Les idées sont dans l’air du temps.

Les évènements se succèdent et l’Histoire se construit avec son lot de drames… Aujourd’hui (2022), mon propos serait sans doute mal entendu et rendrait l’objet/sujet « Terrorisme/Résistance » difficilement exposable.