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Le retour de la photographie

Le retour de la photographie

La technologie numérique franchit au début des années 2010 un pallier déterminant qui permet aux principaux acteurs économiques du secteur de la photographie de mettre sur le marché des appareils aux performances honorables (v/s l’argentique).

Personnellement, ce niveau technologique me permet d’envisager (de nouveau) une pratique de la photographie qualitativement respectable et de m’affranchir de toutes les contingences et des contraintes liées à l’exercice de la photographie argentique (prises de vue limitées par pellicule, sensibilité rigide, matériel encombrant, interminables et fastidieuses heures en laboratoire…). J’aborde la photographie numérique comme une promesse de flexibilité et de liberté qui va me permettre de me consacrer à la prise de vue de façon agile et parfaitement déambulatoire. La technologie (ici) tient toutes ses promesses.

Pour autant, je reste attaché aux principes de l’exercice. Je m’abstiens volontairement et avec discipline de toute intervention sur mes images en post-production (en dehors de celles requises pour en optimiser les tirages, comme pour l’argentique), et le nombre d’images pertinentes, d’« images justes », reste rare au regard de celui des prises de vue.

Mon approche de la photographie

Mon activité photographique se déroule sur un temps long et relève tout autant de l’art pictural que de la veille anthropologique et de la curiosité sociologique. Sans avoir la prétention d’une exhaustivité encyclopédique et d’une rigueur scientifique, c’est un exercice scrupuleux doté d’une intention à propos de laquelle Jean-Baptiste Joly écrit :

Au milieu du « trop à voir », « trop à savoir » qui nous entoure, il fait son choix, arrête le défilement des images, de celles que tout le monde connaît, que tout le monde a en tête. Ce sont toujours « juste des images » comme dit Jean-Luc Godard, des images « ready-made », photographies ou films, actualités ou fiction, mais par une intervention minimale, il parvient à en crever la surface, à leur imposer sa déviation, à en faire des « images justes », pas tant pour leur intérêt propre que pour l’infime différence qui les sépare du « juste une image ».[1]

Le propos

Mon travail est réalisé durant un temps dédié, parfois sur plusieurs jours, au sein d’un périmètre à l’intérieur duquel je m’installe en situation immersive. Cette posture exploratoire m’oblige à procéder de jour comme de nuit, quelle que soit la météo et la nature de l’environnement, en investissant à pied des lieux en profondeur, progressivement, en aller-retour permanents et successifs sur de très longues distances.

Ce travail en mobilité me permet d’appréhender dans le détail l’étendue profonde de l’activité humaine, l’occupation des sols et de l’espace, nos organisations et l’usage que nous faisons du monde, d’en révéler les limites ou les aspérités.

Il me permet aussi de saisir des attitudes et nos comportements, d’interroger la nature des individus et de mettre en lumière ce qu’il laisse sur son passage.

J’ai parfois recours à un principe relevant de la prise de vue frontale. Cette posture me permet de réduire les enjeux esthétiques lié au choix de l’angle de la prise de vue au profit d’une approche plus objective, plus témoin, préférant refléter la réalité sommaire du sujet.

Pour le reste, je ne m’impose aucun principe quant à la prise de vue, ni en couleur ni en noir et blanc, si ce n’est l’utilisation d’un objectif unique de 18 mm.


[1]  Jean-Baptiste Joly écrit ce texte en 1991 à propos de mon travail photographique-plastique réalisé lors de mon séjour à l’Akademie Schloß Solitude à Stuttgart. Ils sont toujours d’actualités.