Photos

Mon approche de la photographie

À mon propos, Jean-Baptiste Joly écrivait en 1990 : « Au milieu du ‘’trop à voir’’, ‘’trop à savoir’’ qui nous entoure, il fait son choix, arrête le défilement des images, de celles que tout le monde connaît, que tout le monde a en tête. Ce sont toujours ‘’juste des images’’ comme dit Jean-Luc Godard, des images ‘’ready-made’’, photographies ou films, actualités ou fiction, mais par une intervention minimale, il parvient à en crever la surface, à leur imposer sa déviation, à en faire des ‘’images justes’’, pas tant pour leur intérêt propre que pour l’infime différence qui les sépare du ‘’juste une image.».[1]

Ma pratique de la photographie est ouverte, mouvante, exploratoire. J’entreprends mes réalisations au sein d’un périmètre déterminé, en profondeur, en aller-retour successifs parfois sur de très longues distances, de jour comme de nuit. Cette déambulation territoriale m’invite naturellement à questionner la notion de paysage. Moins dans sa raison d’être historico-esthétique, que dans les signifiants issus des processus de transformation continue qu’il subit. Éphémères ou permanentes, les activités humaines sont à l’origine de la présence et de l’organisation d’une grande partie des motifs qui le composent aujourd’hui.

L’homme procède à une domestication progressive, systématique et irréversible de l’espace. Il y dépose son cortège d’objets et d’intentions effaçant progressivement l’origine naturelle des lieux au profit d’un paysage nouveau, singulier, au sein duquel se côtoient des objets vernaculaires et des artéfacts humains durablement installés. En contemplant son environnement, l’homme fait simultanément le constat de sa réussite et celui de la vacuité de son entreprise de subordination. Il semble alors tenir à un fil, comme suspendu à ses certitudes.

C’est ce paysage, parfois urbain, souvent rural, qui devient le lieu de mon exercice et le sujet de mon travail. C’est l’espace dans lequel j’évolue et à partir duquel je crée et restitue le rapport que nous entretenons avec notre environnement et que vient opportunément éclairer la lumière. L’Homme y est omniprésent. L’instantané est le point d’intersection d’un lieu et d’un instant, la saisie d’un moment éphémère, un provisoire qui s’installe et qui dure. L’image est silencieuse, pleine d’aspérités lumineuses qui grattent à la surface et encanaillent le regard.


[1]  Jean-Baptiste Joly écrit ce texte en 1991 à propos de mon travail photographique-plastique réalisé lors de mon séjour à l’Akademie Schloß Solitude à Stuttgart. Ils sont toujours d’actualités.