LAISSEZ-VOUS RÊVER

Le paysage furtif

Mon travail photographique relève autant de l’art pictural que de la veille anthropologique.
Il est doté d’une forte intention documentaire (v/s spectaculaire) intégrant les manifestations physiques consécutives à l’exploitation et à l’usage des territoires.
Le train permet une pénétration profonde et original de ces derniers.

Il offre un éventail élargi des typologies, urbaines, rurales, résidentielles, industrielles, agricoles, espaces intermédiaires sauvages ou à l’abandon, le tout soumis aux aléas météorologiques et aux externalités dues à l’activité humaine. Par le truchement du déplacement et de la vitesse, le train déploie une image dont on ne parvient pas à prendre réellement la mesure.


Ce phénomène révèle l’existence d’un hors-champ infini et transforme le voyageur en mouvement en observateur statique désirant saisir un paysage mouvant qui en fait est immobile.
Les caractéristiques de la fenêtre du train (dimension, épaisseur, matérialité translucide, mouvement dans l’espace) créent une porosité entre l’intérieur et l’extérieur.

Par un effet d’interversion continu, le mouvement agit comme une passerelle et crée des allers-retours incessants entre le panorama réel, le paysage naturel, le paysage représenté, comme si chacune de ces perceptions constituait des couches successives et dotait l’image d’une densité et d’une épaisseur.
Dans l’exercice du faire paysage à partir du train, le cadre comme élément constitutif du paysage n’a pas disparu, il a changé de statut pour se déployer dans l’espace. Il est passé de la délimitation du périmètre de l’image à celui de son volume.


Pour plus de détail
LE CONCEPT DU PAYSAGE FURTIF

– Les photographies de ce projet sont réalisées pour être présentées sous forme de séries.
– Le nombre de photographies par série n’est pas défini.
– Chaque série réunit des prises de vue réalisées lors d’un trajet particulier en train.
– La série est intitulée selon la nomenclature suivante : Mois année – Gare de départ / Gare d’arrivée
– La singularité des photographies est conditionnées par la lumière, le relief, l’aménagement, la saison… chaque série est par conséquent unique et constitue un ensemble original.

La production dans le cadre de ce projet repose sur quelques partis pris techniques.
– Le premier consiste à réaliser mes prises de vue avec un grand angle. En dehors de la dimension spatiale importante qu’il accueille, celui-ci permet d’aller chercher des points de netteté plus profondément, dans la succession des couches de l’image, et de porter le regard sur des motifs lointains, sur le détail de l’horizon.
– Les photographies sont réalisées à l’aide d’un appareil numérique, Leica T. Elles sont réalisées selon un protocole rigoureux et notamment un objectif systématiquement collé au verre de la fenêtre.
– Les photographies publiées ne font l’objet d’aucune intervention en dehors d’un réglage fin destiné à optimiser la lumière et le contraste pour sa publication et son tirage.

– Mes travaux implique une approche euristique. Porter l’image par le grain, la matière atmosphérique, la lumière sur les reliefs et les motifs… le choix du noir et blanc s’impose notamment par la volonté de solliciter l’imaginaire du spectateur, de faciliter l’appropriation de l’image en lui permettant de l’investir plus aisément, d’y introduire ses propres attachements.
– Bien qu’essentiellement réalisée en noir et blanc, le projet donne lieu également à la réalisation de prises de vue couleur, quelques-unes sont présentées dans ce document.

– Les photographies présentées ci-dessous sont une sélection hors-série qui vise à donner un aperçu de la diversité des possibles.